Diffusion Sélective de l'Information
du 18 au 28 juillet 2022


 

                                    L'intelligence artificielle au service du développement durable

«... Nous vivons à l’ère de la quatrième révolution industrielle, une transformation socio-économique rapide induite par un progrès technologique effréné qui bouleverse des secteurs et des systèmes de gouvernance entiers. Également baptisée « industrie 4.0 », elle fait suite à la première révolution industrielle au XVIIIe siècle (mécanisation), impulsée par l’invention de la machine à vapeur ; à la deuxième révolution industrielle (production de masse) au XIXe siècle, portée par l’invention de l’électricité ; et à la troisième révolution industrielle (automatisation) au XXe siècle, fondée sur l’invention de l’électronique et de la technologie de l’information.
Depuis la seconde moitié du XXe siècle, la biotechnologie, la nanotechnologie, les sciences cognitives et la technologie de l’information ont convergé, brouillant ainsi les frontières entre le physique, le numérique et le biologique en ouvrant de nouveaux champs de recherche tels que l’informatique appliquée à la nanobiotechnologie. L’avènement de la toile mondiale en 1993 a annoncé les prémices de l’économie numérique, véritable révolution pour les transactions commerciales et les modèles économiques dans des domaines allant des médias et du spectacle au commerce de détail et à la santé.
Les technologies numériques comprennent les mégadonnées et l’analytique, les robots et autres systèmes cyberphysiques, l’Internet des objets, la chaîne de blocs et l’intelligence artificielle (IA). Le terme « d’intelligence artificielle » a d’ailleurs été inventé dès 1956, lors d’un atelier au Dartmouth Collège (situé dans le New Hampshire, aux États-Unis), trois ans avant que le premier circuit intégré ne soit breveté.

I- Emploi de l’IA pour la gestion de l’environnement et la réduction des risques de catastrophe
1. Effets de l’IA sur la gestion des écosystèmes et de l’environnement
L’IA et les technologies connexes, telles que l’Internet des objets, devraient favoriser des avancées dans la plupart des domaines, voire tous les domaines, de la recherche en écologie et en biodiversité, ainsi que dans la gestion de l’environnement et des écosystèmes de manière générale.
Placées dans les milieux naturels, les caméras à détecteur de mouvement permettent de recueillir de très grandes quantités de données sur la biodiversité, à peu de frais et en toute discrétion. Elles sont déjà utilisées dans le Réseau mondial des réserves de biosphère. L’analyse de telles images était autrefois chronophage, mais un article paru récemment dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences a démontré que l’IA réussissait à automatiser l’identification des animaux pour 99,3 % des 3,2 millions d’images contenues dans le jeu de données Snapshot Serengeti. Son niveau de précision est similaire à celui des équipes de bénévoles humains en production participative (96,6 %). Les auteurs de l’article affirment que « la collecte automatique, précise et économique de données pourrait catalyser la transformation de nombreuses disciplines, qu’elles relèvent de l’écologie, de la biologie des espèces sauvages, de la zoologie, de la biologie de la conservation et de l’éthologie, en sciences des “mégadonnées” ».
Cet exemple démontre bien les avantages et la puissance de l’IA, mais illustre aussi ses répercussions potentielles sur la situation et les débouchés professionnels de ceux qui détiennent aujourd’hui des savoirs écologiques. Si les observations sur le terrain dépendaient de caméras et de la reconnaissance d’images par des machines, les écologues de terrain pourraient être moins sollicités pour leurs services et, au bout du compte, pour leurs connaissances. Cela pourrait avoir des répercussions profondes sur la communauté des chercheurs, qui devront apprendre de nouvelles connaissances pour s’adapter à l’évolution de leur profession, ainsi que sur les détenteurs de connaissances autochtones et traditionnelles.
Autre exemple: le recours à des drones équipés de technologie d’IA pour lutter contre la déforestation ou le braconnage. Ainsi, au Kenya, le Fonds mondial pour la nature (WWF) a reçu une subvention de 5 millions de dollars des États-Unis de la part de Google pour utiliser un dispositif d’IA doté de drones afin de pister les braconniers dans le Masai Mara (2017).
L’IA peut également fournir des outils pour prévoir et analyser l’évolution des écosystèmes. Des capteurs sont notamment utilisés dans l’agriculture pour aider les exploitants à surveiller leurs récoltes et leurs élevages. L’agriculture constitue la principale activité économique dans de nombreuses réserves de biosphère. L’outil mCROPS a été développé en Ouganda pour signaler en temps réel la survenue de maladies affectant les plantes de manioc (2017). Citons également Sequoia, un capteur multispectral équipé d’une caméra, d’un GPS et de capteurs solaires (rayons ultraviolets et infrarouges); adapté sur un drone, il permet d’analyser la vigueur des cultures en enregistrant la quantité de lumière absorbée et réfléchie par les plantes.
L’IA peut être intégrée à d’autres technologies pour étudier à plus grande échelle spatio-temporelle les phénomènes et les processus écologiques. Par exemple, la télédétection satellitaire peut donner une idée de l’hétérogénéité des habitats sur une superficie étendue. Une fois cette information intégrée, il est possible de concevoir une étude de surveillance de la biodiversité en déployant des pièges photographiques dans différents lieux représentatifs de toute la zone. Grâce à une étude récente (2019), qui associait les sciences participatives aux algorithmes d’apprentissage profond (intelligence artificielle), on a pu recenser de façon précise les gnous en migration, et ce en quelques heures, contre plusieurs semaines avec les techniques de dénombrement habituelles.

2. Effets de l’IA sur les géosciences
2.1. Interprétation plus objective des diagraphies
Le principal avantage à utiliser l’IA en géologie concerne l’interprétation des diagraphies, qui constituent des données d’exploration. De nos jours, les géologues prospecteurs doivent traiter d’énormes quantités de données collectées. L’IA aide à gérer ces données. Le système utilise des techniques heuristiques (expérimentation, essai et erreur) et pourrait servir aux géologues pour trouver des ressources minérales et des métaux précieux.
Par exemple, il peut faciliter l’interprétation par les géologues des diagraphies de forage en terrain glaciaire.
Les diagraphies contiennent des informations essentielles sur les séquences souterraines ainsi que sur la distribution spatiale et les caractéristiques des failles/fractures et de la stratification (plans bien délimités, horizontaux ou parallèles à la surface du sol, que l’on observe dans les formations rocheuses massives). Les diagraphies renseignent sur la texture de la roche, l’organisation texturale ainsi que sur le type et la distribution de porosité. L’IA peut fournir un nouveau processus semi-automatique afin de réduire la subjectivité inhérente à l’interprétation des diagraphies ainsi que le temps nécessaire à cette opération.
Capable d’extraire automatiquement les propriétés de la roche, l’IA présente deux avantages: objectivité et gain de temps dans l’interprétation. Cependant, un certain degré d’intervention et de correction humaines s’avère encore indispensable.

2.2. Mégadonnées, informatique en nuage et IA au service du développement durable
L’urgence d’intégrer la durabilité aux géosciences, pour aider les pays à atteindre leurs Objectifs de développement durable (ODD). Il a défini trois domaines prioritaires de recherche en géosciences:
◼ exploration et extraction efficaces, sûres et durables des ressources terrestres ;
◼ production innovante d’énergies renouvelables et réduction des émissions de CO2 ;
◼ meilleures compréhension et prévision des changements climatiques et des géorisques.

3. Effets de l’IA sur la gestion de l’eau douce
3.1. Algorithmes d’apprentissage automatique et sciences de l’eau
Bien que l’IA ne soit probablement utilisée que de façon exceptionnelle dans le secteur opérationnel de l’eau, les algorithmes d’apprentissage automatique sont de plus en plus employés dans les sciences de l’eau. En Serbie, par exemple, le Centre sur l’eau pour le développement durable et l’adaptation au changement climatique se sert de l’IA et de la modélisation statistique depuis des années pour contrôler la qualité de séries chronologiques concernant la surveillance structurale et environnementale.
L’une des techniques les plus importantes est l’apprentissage profond permettant de compléter la modélisation des prévisions, que ce soit à des fins prédictives pour détecter les formes récurrentes, classer et corriger les produits dérivés de la télédétection, ou à des fins d’atténuation pour anticiper l’avenir.
L’apprentissage profond s’annonce prometteur pour de nombreuses applications, telles que les prévisions de la demande en eau, la triade eau-nourriture-énergie ou les changements climatiques. Par exemple, en Allemagne, l’Institut fédéral d’hydrologie et l’Institut Fraunhofer pour les systèmes d’analyse intelligente et d’information (IAIS) ont fait appel aux réseaux à états échoïques (ESN) pour prévoir le débit et simuler le niveau d’eau du Rhin et du Danube. Les résultats des modèles ESN sont supérieurs à ceux du modèle hydrologique habituellement utilisé, Hydrologiska Byråns Vattenbalansavdelning (HBV). Néanmoins, le modèle HBV confère une valeur ajoutée si on entre le débit calculé grâce à lui dans un modèle ESN. Les stimulations démontrent que les modèles ESN sont également adaptés dans les cas où des facteurs non physiques (tels que la présence d’écluses) jouent un rôle crucial.
Le recours à l’apprentissage profond pourrait également accélérer la normalisation des formats de données et métadonnées dans le champ de l’hydrologie. Cela permettrait d’améliorer considérablement le dispositif de surveillance mondiale des systèmes environnementaux et viendrait directement appuyer les initiatives de données ouvertes, visant à rendre ces dernières facilement trouvables, accessibles, interopérables et réutilisables (FAIR). On déplore aujourd’hui des insuffisances dans ce domaine, attribuables aux coûts élevés et à la complexité de la gestion des données relatives à l’eau. À cela s’ajoute des politiques inexistantes ou désuètes concernant la collecte, le stockage, la diffusion, le partage et l’utilisation de ces données.
Quant aux technologies de la chaîne de blocs, elles peuvent s’avérer utiles pour détecter la manipulation de données et d’algorithmes, protégeant donc l’intégrité des données.

3.2. Avantages d’une triple approche de la gestion des eaux urbaines
L’Internet des objets, l’apprentissage automatique et la chaîne de blocs peuvent être associés pour faciliter la gestion des eaux urbaines. En combinant ces trois technologies, l'objectif est de produire et diffuser des connaissances afin d’améliorer la prestation et la qualité des services, tout en garantissant la durabilité des ressources en eau.
Les systèmes hydrologiques intelligents utilisent une méthode reposant sur l’Internet des objets. Ils sont composés d’un réseau d’appareils physiques (tels qu’un débitmètre). Ces derniers renferment un capteur qui enregistre des informations (telles que la quantité et la qualité de l’eau ou des clichés) et un dispositif de communication qui les transmet en temps réel vers un serveur infonuagique. Ces systèmes hydrologiques intelligents gagnent du terrain dans la gestion des eaux urbaines, car ils améliorent l’efficience et l’efficacité du système tout en réduisant les coûts.
L’exemple qui suit démontre comment les trois technologies (Internet des objets, apprentissage automatique et chaîne de blocs) fonctionnent de concert pour assurer une gestion de l’eau plus judicieuse.
◼ Les dispositifs de l’Internet des objets recueillent des données relatives à l’eau par le biais de capteurs, puis les ajoutent à la chaîne de blocs. Par exemple, lors du contrôle de l’impact environnemental de la fracturation hydraulique, des données sur la quantité et la qualité de l’eau peuvent être transmises grâce à des dispositifs de l’Internet des objets intégrés au système de distribution d’eau.
◼ Les données hébergées sur la chaîne de blocs sont transparentes et protégées par un réseau distribué en pair à-pair. Par exemple, les données concernant la quantité et la qualité de l’eau peuvent être stockées dans le registre de la chaîne de blocs, pour devenir inaltérables.
◼ L’algorithme d’apprentissage automatique utilise ensuite les données pour créer des analyses prédictives et contribuer aux capacités de prise de décision. Les protocoles de contrats intelligents intégrés à la technologie de la chaîne de blocs peuvent servir à exécuter une décision. Par exemple, les algorithmes d’apprentissage automatique peuvent utiliser les données sur la quantité et la qualité de l’eau collectées sur une période donnée afin de prédire l’évolution de ces paramètres et prévenir lorsqu’ils atteignent des niveaux dangereux.
Si cette dernière éventualité se produit, les protocoles de contrats intelligents peuvent être configurés pour envoyer un message d’alerte au public, aux journalistes et aux autorités concernées afin de permettre une réaction rapide.
Lorsqu’ils s’intègrent harmonieusement au réseau de distribution d’eau, l’Internet des objets, l’apprentissage automatique et la chaîne de blocs peuvent être associés afin de:
◼ régler les factures d’eau et réduire les coûts de transaction;
◼ mettre en place un système d’échange pair-à-pair afin d’inciter les consommateurs à faire des économies d’eau;
◼ comptabiliser les transferts sur le marché de l’eau et ainsi, éviter les rivalités institutionnelles et le chevauchement des compétences; et
◼ suivre les actifs dans la gestion de la chaîne logistique pour mieux calculer l’empreinte carbone

4. Effets de l’IA sur la réduction des risques de catastrophe
4.1. L’IA pour prévenir les catastrophes
De nombreuses idées et prototypes ont déjà été mis à l’essai pour réduire les risques de catastrophe. Jusqu’à présent, ils tendent à se focaliser sur la phase de réponse et de secours. Par exemple, la ville de Sendai (Japon) a testé, avec des entreprises privées, un prototype d’alerte aux tsunamis qui exploite l’IA et la chaîne de blocs: l’IA a automatiquement lancé un drone, puis envoyé une alerte sur les téléphones mobiles et à la radio et utilisé un logiciel de reconnaissance faciale pour identifier les victimes, notamment celles emportées dans leur voiture par le tsunami.
L’analyse automatique des messages Twitter grâce aux algorithmes d’apprentissage automatique et aux dernières techniques sémantiques permet de localiser précisément les inondations en cours et de fournir des informations en temps réel afin de mieux faire prendre conscience de la situation; ces renseignements peuvent s’avérer utiles à la fois pour les citoyens et pour les premiers secours confrontés à une catastrophe naturelle.
À l’avenir, les applications de l’IA devraient non seulement porter sur l’intervention en cas de catastrophe, mais aussi sur la phase de prévention. Dans le domaine de la réduction des risques de séisme, des capteurs peuvent donner l’alerte environ 10 secondes avant la survenue d’un tremblement de terre.
Cependant, la sismologie n’est pas encore capable de prévoir ce phénomène des heures, des jours voire des semaines à l’avance. Un groupe de discussion établi par le Gouvernement japonais afin d’ébaucher une stratégie sur l’IA a déclaré en 2017 dans son rapport final: «Jusqu’à présent, aucune méthode n’a réussi à prévoir des séismes par le biais de l’IA». En effet, les sismologues n’ont pas encore déterminé quel type de données était le mieux adapté pour suivre les signes avant-coureurs d’un tremblement de terre. Sans données idoines, les algorithmes d’apprentissage automatique ne peuvent pas élaborer un modèle capable de prédire les séismes.

4.2. L’IA pour gérer les aléas hydrologiques
En hydrologie, l’IA peut s’avérer utile pour produire des séries chronologiques sur l’écoulement, qui sont essentielles à la gestion des réservoirs et de l’énergie hydroélectrique ainsi qu’à la protection de l’environnement.
Un certain nombre de nouveaux systèmes de modélisation ont été évalués pour vérifier leur capacité à prédire avec précision les épisodes de sécheresse: réseau neuronal artificiel, système d’inférence floue paramétré par apprentissage neuronal, programmation génétique et machine à vecteur de soutien. Actuellement, l’inconvénient à utiliser l’IA dans la gestion de la sécheresse réside dans l’absence des «mégadonnées» nécessaires pour concevoir des modèles capables de faire des prévisions fiables. Le géoserveur G-WADI tente de pallier ce problème.

4.3. L’IA pour améliorer l’évaluation des changements climatiques
Les climatologues doivent jongler avec d’impressionnantes quantités de données observationnelles (Terre et satellite) et simulées pour observer le climat, faire des prévisions et détecter les zones à haut risque.
Les nuages représentent le principal point d’interrogation dans les modèles climatiques mondiaux. De nouvelles études laissent entendre que l’intelligence artificielle et les réseaux neuronaux peuvent résoudre des processus atmosphériques plus complexes et à plus petite échelle, tels que ceux qui se rapportent à la formation de nuages convectifs. Ils pourraient donc réduire les incertitudes inhérentes aux modèles climatiques actuels.
En améliorant la précision des prévisions et des modèles climatiques mondiaux, l’IA et les algorithmes d’apprentissage automatique contribueront à atténuer et à gérer les risques liés aux changements climatiques, y compris des phénomènes météorologiques catastrophiques tels que les tornades, les ouragans et les orages, qui devraient devenir à la fois plus fréquents et plus violents ; l’IA et les algorithmes d’apprentissage automatique aideront également à renforcer la préparation et l’intervention face aux risques environnementaux – domaines où des solutions rapides et innovantes sont d’importance vitale ...»-Source: Cliquez ici 

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Elaboré par: Lobna ZOUAOUI, Ingénieur Data, Responsable  Veille Stratégique et Technologique
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