Diffusion Sélective de l'Information
Du 21 au 25 juin 2021

 
Veille Stratégique Environnementale                                                  
                     
                           
                                                      Décentralisation & Développement local


Décentralisation et Développement local
«... Deux démarches pour construire le développement à la base
De façon assez naturelle aujourd’hui s’est installée l’évidence d’une relation transitive entre décentralisation et développement local, comme si l’une engendrait l’autre, qui trouverait en elle l’instrument logique de sa réalisation. Cette évidence détermine – autour d’un processus institutionnel en phase de généralisation dans les pays en développement, quand il n’était pas inscrit dans la formation des États nouvellement indépendants – une assez forte adhésion du partenariat international.
Il est pourtant utile de revenir sur la genèse d’une relation complexe entre deux notions qui, loin d’être originellement complémentaires, sont installées dans une tension qui leur est consubstantielle ; et aussi de partager la conviction que chaque situation exige sa propre grille de lecture. En d’autres termes, si comparaison est raison, là plus qu’ailleurs, la greffe ne prend qu’en tenant compte de la réalité sociale qui l’accueille.
Entre décentralisation et développement local, il y va plus que d’un accommodement entre deux modes de gestion - l’un, redistributif de compétences centrales vers les périphéries de l’État, l’autre, participatif à la base, des forces qui composent une communauté. La question posée est celle d’une gouvernance qui mette à la disposition d’une collectivité nationale des outils institutionnels adaptés à des formes et organisations de la vie, déposés et travaillés par l’histoire et qui réussisse à lever les suspicions réciproques : tantôt sur les intentions de l’État décentralisateur – Défausse ou partage des responsabilités ? Redistribution sincère vers les territoires ou mainmise reformulée sur la société ? Recherche effective d’efficacité ou transfert vers les collectivités de mêmes pratiques ? – tantôt sur celles du développement local – Utopie du micro-social ou modèle extensible à la diversité qui forme une communauté nationale ? Construction de l’unité « par le bas » ou de la société contre l’État ?
Il est vrai que le débat autour de la globalisation, renchérissant sur celui qui a longtemps cloué au pilori l’État central au motif de son incapacité à résoudre, voire à poser dans les bons termes la question du développement dans un contexte de libéralisation, lui a porté de si rudes coups au profit du local comme espace dépositaire des attentes du corps social qu’il peine à retrouver sa légitimité.
La décentralisation lui en offre l’occasion pourvu qu’elle n’avance pas comme panacée aux impuissances de l’État central mais comme modalité utile de prise en charge des besoins et des aspirations d’une population qui souvent, dans ses marges, et par nécessité, inventait des réponses à des questions qu’on ne partageait pas avec elle ou auxquelles il lui paraissait que l’État apportait des solutions trop insuffisantes.
Dans tous les cas de figure, la population, et donc le citoyen sont au centre du processus de décentralisation. Une démarche décentralisatrice purement juridique et administrative, ne pourrait prétendre produire du développement local. Bien des analyses sur différents espaces urbanisés, notamment en Afrique, en Amérique du Sud ou encore en Inde, ont mis en évidence que les avancées des processus institutionnels pouvaient ne pas avoir d’impact suffisant sur les dynamiques locales, renvoyant à un nécessaire « ré-ajustement », des contenus des politiques, de leur mode d’application, de leur appropriation effective.
La notion de développement local est née de la prise de conscience que les politiques d’aménagement du territoire mises en œuvre pour corriger les grands déséquilibres géographiques et socio-économiques ne pouvaient trouver leur pleine efficacité qu’en s’appuyant sur une structuration des populations locales, propice à une mise en mouvement de la société civile. Il s’agit donc d’un mouvement aux dimensions culturelle, économique et sociale, qui cherche à augmenter le bien-être d’une société, à valoriser les ressources d’un territoire par et pour les groupes qui l’occupent.
Si le développement local est fondé sur la participation et le consensus, la décentralisation en revanche contient l’expression d’un droit de substitution légitime ; c’est la différence fondamentale entre la décentralisation, comme projet politique, et le développement local, comme pratique sociale. Engendrant de possibles tensions, elle est générique du débat ancien entre démocratie représentative et démocratie participative.
Du remodelage du pouvoir au pouvoir du citoyen
Si la population dans son ensemble est bénéficiaire de la décentralisation et du développement local, l’articulation entre les deux concepts n’est compréhensible qu’en s’arrêtant sur le citoyen en particulier.
La légitimité du développement local tient à une démarche non seulement technique mais fondamentalement politique qui s’adresse à la conscience citoyenne des individus. On remarquera que trop rarement les textes « décentralisateurs » obligent les élus à travailler en partenariat avec les populations – contrairement par exemple aux textes relatifs à l’élaboration des documents d’urbanisme, qui instaurent des concertations obligatoires, et c’est donc essentiellement une démarche « politique » qui fait émerger cette relation, fondée sur le processus électif qui prend en compte l’axiome : un homme - une voix.
La tradition communautaire, notamment en Afrique, structurante du monde rural, encore présente, quoique affaiblie dans les espaces urbains, est assise sur la base de hiérarchies. L’anthropologie montre que le principe communautaire est de construire des solidarités sur la base de hiérarchies de type vertical, entre classes d’âge, les rapports de soumission régissant les rapports entre ces différentes classes. La communauté est une structure d’inégalité statutaire sur la base d’un principe d’égalité économique entre ses membres, où la solidarité est ici l’affaire de tous. À l’inverse, un citoyen est un individu, membre d’une société civile, construite sur la base d’une égalité statutaire de ses membres. Ces sociétés sont des milieux d’une grande inégalité économique, vis-à-vis de laquelle l’État a la responsabilité de construire des solidarités, avec les contributions des citoyens. Mais il ne peut y réussir qu’en garantissant des services qui emportent l’adhésion du corps social, ce qui est loin d’être partout le cas.
On trouve là une ligne de fracture entre le système politique moderne, « un homme – une voix » et le fondement culturel des sociétés concernées, qui s’adresse à des classes. La décentralisation, mais aussi l’urbanisation, fait donc entrer les sociétés dans une mutation censée faire émerger des espaces publics de proximité où les populations tendent à s’affranchir de liens communautaires. C’est sans doute là que réside une des explications au constat de la difficulté et de la durée nécessaire pour l’installation des processus de décentralisation.
Pour trouver sa légitimité, la décentralisation doit s’adresser aux groupes et permettre l’émergence d’organisations basées sur l’adhésion volontaire, associant les populations à la mise en œuvre des politiques, faire naître ainsi par la participation un individu citoyen. Indissociable d’une approche participative de la gestion des affaires publiques, l’action publique s’organise alors sous forme de projets collectifs fédérateurs et un civisme local peut s’enraciner. C’est sur ces bases que la décentralisation a pu trouver du crédit auprès des populations dans un pays comme le Mali, comme une réinvention du politique au niveau local.
La décentralisation implique un partage du pouvoir, des ressources et des responsabilités et doit permettre de rapprocher géographiquement les prises de décision des populations. Dans ce contexte, le rôle de l’acteur public évolue : le rôle d’une municipalité n’est plus de « faire » pour des individus mais d’être plutôt catalyseur de l’action des citoyens, en apportant une aide ou en facilitant la mise en relation des acteurs. Ce type de posture exigeant d’être d’abord à l’écoute des initiatives, des attentes, des projets, demande corollairement à renoncer à une forme d’action politique qui impose par le haut. Pour que la notion d’intérêt général s’installe au centre de l’action locale, l’élu doit apporter la garantie d’une telle méthode.
Historiquement, les idées du développement local ont émergé à la marge des pratiques des pouvoirs publics en matière de développement, voire en opposition avec ces dernières. En France, à une époque où les collectivités locales étaient plus qu’aujourd’hui sous la tutelle de l’État, elles ont été portées par des tenants de l’évolution d’une idée de territoire qui ne soit plus essentiellement assise sur les découpages administratifs existants. Au Sud, elles se sont développées en opposition aux projets de développement décidés et imposés par des administrations centralisées, sans concertation avec les populations. Pour avoir surgi en réaction au pouvoir central, le développement local devient, dans un contexte politique « ouvert », un processus qui produit de la cohésion sociale en raison de la négociation qu’il suppose et du débat public qu’il génère. Des articulations entre acteurs et espaces de concertation se construisent, tant avec l’État qu’avec les collectivités territoriales elles-mêmes, ainsi que des organisations de la société civile. Cette construction s’effectue dans une dynamique où l’État se réforme en relation directe avec l’appropriation effective de nouvelles compétences au sein des collectivités territoriales. Le développement local, par les débats qu’il génère est donc souvent un lieu d’émergence de démocratie locale.
De même que la décentralisation ne se résume pas à une alternative institutionnelle, le développement local ne se réduit pas à un processus technique, avec sa boîte à outils bien connue des « développeurs ». Non seulement ils ont partie liée mais, dans une phase concomitante de transition de l’État, ils se génèrent l’un l’autre.
Aussi, dans cette diversité des acteurs, de leur mode de regroupement, de leurs inter-relations apparaît clairement la nécessité d’appuyer les constructions d’« alliances », permettant une convenance, une meilleure régulation des relations de la société avec la sphère politique. « Alliances » : ce mot est ici préféré à « coalitions » pour gommer les logiques d’affrontement qu’il peut contenir au profit d’un travail sur la mise en coopération des acteurs entre eux.
Des processus obligatoirement négociés
Si l’histoire des États indépendants s’est inscrite sur des relations descendantes avec les populations, la vision politique moderne est dorénavant fondée sur une organisation ascendante de la société civile.
Mais entre ces deux pôles, des points de tension se créent, entre État et collectivités territoriales dotées d’une personnalité juridique et d’une autonomie financière d’une part, mais aussi entre autorités locales élues et citoyens électeurs, producteurs de la richesse et solvables à l’impôt. Le rôle des « alliances », résultant de processus négociés, est de permettre une meilleure prise en compte de ces tensions par les acteurs eux-mêmes. Elles renvoient aux mécanismes de coordination sociale qui participent à l’action politique et au processus décisionnel au sein de tous les groupements sociaux (l’État, l’entreprise, les collectivités, les associations, etc.) et dépassent la seule question des institutions ou des formes du gouvernement.
Le principe de décentralisation s’inscrit donc légitimement dans la réflexion actuelle sur la gouvernance que l’approche française définit comme « l’art de gouverner, en articulant la gestion des affaires publiques à différentes échelles du territoire, en régulant les relations au sein de la société et en coordonnant l’action de multiples acteurs ».
Dans cette acception, les « alliances » traduisent un mode d’organisation des groupes et leur mise en relation avec les différents niveaux institutionnels, en dehors de tout cadre normatif et réglementaire, et dans une forme à chaque fois réinventée. Des « alliances » se constituent également en matière économique. Tel que se dessine le rôle des municipalités, il devra mettre à la disposition des opérateurs locaux un environnement favorable à leurs activités, assurer la sécurisation de l’environnement général de l’entreprise, formelle ou informelle, en réglementant les activités économiques, la fiscalité, l’occupation de l’espace. Cette mission ne peut se définir et atteindre ses objectifs que dans la construction d’une forme contractuelle renouvelée entre pouvoir politique local et pouvoir économique. Le programme ECOLOC (Relance des économies locales), lancé en 1997 à l’initiative conjointe du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest et du Partenariat pour le Développement Municipal, en est une bonne illustration.
Les élus, issus de la démocratie représentative doivent apprendre à travailler avec les composantes de la société civile, résultat de la démocratie participative, ces deux types de démocratie porteurs des dynamiques de développement et qu’il s’agit de fédérer. On se trouvera donc dans l’action locale à inventer des modes de régulation, qui articulent l’électif et le représentatif, « facilitation urbaine », « médiation urbaine », « intermédiation » – lesquels ne font pas l’objet d’un corpus méthodologique affirmé et définitif, et qui comme pour toute matière du domaine social sont en permanent renouvellement. Au centre de ces démarches, il s’agit de rendre l’habitant plus citoyen de sa ville et donc plus collectivement impliqué, en partenariat avec les différentes institutions locales et notamment municipales, au développement de son environnement. Dans ce jeu d’acteurs et de construction d’« alliances », les ONG du Nord sont des partenaires importants des organisations locales du Sud pour les aider à problématiser les situations, forger des outils de formation, de capacité de gestion ou de partage d’expériences similaires. Ces réponses peuvent également venir des collectivités locales du Nord au travers des politiques de coopération décentralisée.
S’approprier l’aménagement du territoire
La décentralisation, c’est aussi (1) un maire élu pour exercer (2) des compétences avec (3) des moyens humains et (4) financiers sur (5) un territoire déterminé. On retrouve là les cinq objets principaux des investissements en soutien aux politiques de décentralisation, sur la zone de solidarité prioritaire (ZSP)  formée de pays d’Afrique. Pour en rester à la question du territoire, on soulignera que la perception réflexe qu’en a l’individu est la proximité. L’analyse, en dépassant cette proximité, montrera également l’«emboîtement» des différents niveaux de territoire. Un village est intégré à une commune, qui elle-même se sent appartenir par exemple à un « pays », issu d’un héritage historique avant de devenir territoire de projet caractérisé par une cohésion géographique, économique, culturelle ou sociale.
L’action politique doit toujours intégrer cette notion d’« emboîtements de territoire », comme résultat d’une histoire, et les projets de développement local n’auront de sens pour leurs usagers que dans la mesure où ils agiront en pleine compréhension de l’histoire constitutive des territoires concernés.
Les lois Defferre de 1982-1983, qui en France ont organisé la décentralisation, ont donné plus de responsabilités aux collectivités territoriales pour mener des projets locaux sur la base d’un découpage institutionnel, grille de lecture de la répartition des compétences entre communes, départements, régions. L’action politique décentralisée exercée sur la base de cette répartition des compétences a confirmé la notion de « territoire pertinent », débordant des limites institutionnelles rappelées ci-dessus. Aujourd’hui, une nouvelle étape de la décentralisation en France confie aux autorités territoriales la compétence sur les grandes infrastructures structurantes du territoire national tels que des ports, des aéroports, preuve que la notion de « territoire pertinent » se renouvelle sans cesse.
La décentralisation a fait des collectivités les acteurs essentiels du développement territorial outillées en cela par des politiques contractuelles, au travers des contrats de plans État-Régions. Les contrats de Pays, qui ont restauré la réalité d’un territoire « vécu », les chartes intercommunales d’aménagement et de développement, témoignent d’une prolifération de territoires de projet qui, comme autant de figures d’emboîtement des proximités et de recherche de gestions de la collectivité dans son environnement, affichent chacune leur légitimité. Les stratégies intercommunales, réalisées en communautés de villes, de communes traduisent également cette restructuration permanente de la notion de territoire.
Quelles que soient les évolutions de terminologie, de niveau de structuration, la mise en mouvement des acteurs d’un territoire pour son développement local suppose une identité forte des acteurs avec ce territoire. Ce processus identitaire, variable selon l’histoire des déplacements de population, est à relier avec les ressources humaines et naturelles très différenciées entre territoires urbains et territoires ruraux.
Décentralisation et développement local au service de la réduction de la pauvreté
La décentralisation et le développement local, comme processus de mobilisation des acteurs locaux pour la création, la distribution des richesses sur un territoire, concernent les États centraux au travers de l’élaboration de leur stratégie de réduction de la pauvreté. On constate à l’analyse des Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP) que, malgré son affirmation, la réalité de la décentralisation n’est pas suffisamment intégrée au niveau central des États. L’échelon territorial ou local institutionnel est rarement pris en compte, déjà comme niveau de consultation dans l’élaboration de ces documents, qui en restent le plus souvent à la seule consultation de la « société civile ». Plus significativement, la réalisation des politiques sectorielles, qui permettront par leur mise en œuvre d’atteindre les Objectifs du Millénaire, dans une logique décentralisée, peut difficilement faire l’économie de Stratégies de Réduction de la Pauvreté Locale. Nombre d’associations d’élus locaux soutiennent cette démarche, au premier rang desquelles « Cités et Gouvernements Locaux Unis », qui se propose au niveau mondial de fédérer autour des problématiques de l’autonomie locale. Ainsi seulement s’amorcera à terme une politique d’aménagement du territoire fondée non seulement sur la vision de l’État central mais qui intègre et entraîne également les potentialités au niveau local.
La décentralisation et le développement local au service de la réduction de la pauvreté doivent être le moteur d’un développement durable, avec ce que ses composantes économiques, environnementales et sociales ont d’indissociable. Il faut réaffirmer la nécessaire prise en compte du développement durable dans la gouvernance urbaine qui s’inscrit dans le droit fil des choix faits par le législateur avec, par exemple, la définition des principes du développement durable appliqués à l’urbain, intégrés dans le Code de l’urbanisme. Cette pratique reste sans doute largement à partager et quelques actions s’en inspirent déjà, comme par exemple au Bénin (France).
La production actuelle d’un espace urbain viable dans les quartiers périphériques des villes dépend dans une large mesure des actions des habitants et les résultats sont fonction du degré d’organisation et des moyens de la population. La demande de services urbains ne cesse d’augmenter. La décentralisation et le développement local doivent élaborer des réponses dans un souci d’équité sociale et de respect de l’environnement. Le support économique de cette satisfaction passe en partie par l’impôt que les collectivités locales ont obligation de re-légitimer par la transparence et la pertinence de leur action et, in fine, on pourra affirmer que n’est citoyen que celui qui paie l’impôt et, a minima, celui qui participe activement à la construction de la cité. Ce rôle déterminant des collectivités locales dans l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement inspire un renouvellement des outils qui sont à leur usage. Il ne s’agit déjà plus seulement de verser des fonds au niveau des États souverains, mais également de permettre l’alimentation de fonds locaux, passage obligé des soutiens aux politiques de décentralisation. Cette tendance, déjà amorcée par plusieurs bailleurs de fonds, parmi lesquels la coopération française, reste à expérimenter dans un champ géographique plus vaste. À l’instar de ce qui est fait par exemple au Maroc, il s’agit de rediriger résolument l’aide publique au développement vers le renforcement des infrastructures locales et des compétences qui doivent les accompagner, et vers des maîtrises d’ouvrage locales qui en assument la responsabilité.
Une « transition » nécessaire pour réussir la décentralisation et le développement local
La décentralisation répond à deux types de justifications, touchant d’abord à la réforme de l’action et des finances publiques, pour améliorer l’efficacité et l’efficience de la fourniture et du financement des services et biens publics. Elle a aussi pour objet de rapprocher les institutions publiques des populations pour procurer à ces dernières des réponses plus immédiates à leurs attentes mais également un moyen de les rendre ainsi plus facilement comptables de leur gestion. Dans un tel contexte, si ces deux justifications peuvent raisonnablement être remplies, on pourra affirmer que le développement local est non seulement une réponse, mais aussi un produit de la décentralisation. Bien entendu, il faut tenir compte de situations diversifiées ; tous les États ne sont pas dans les mêmes possibilités, et par exemple, dans les pays en « post-conflit », il s’agira d’abord de construire simultanément des institutions locales et un État plus que de décentraliser quelque chose qui n’existe pas.
Nous sommes aujourd’hui dans une phase de « transition », où les décisions politiques amorçant la décentralisation sont souvent déjà prises mais où le développement local issu de cette décentralisation n’a pas toujours trouvé de traduction. La « transition », c’est le temps pour que le transfert de responsabilités de l’État aux collectivités locales sans transfert suffisant de recettes soit assumé, et pour que les collectivités locales mobilisent des ressources fiscales plus significatives. C’est aussi le temps nécessaire pour qu’elles apportent leur quote-part aux investissements nouveaux et assurent l’entretien de leur patrimoine. C’est enfin le temps pour l’acquisition d’une réelle maîtrise par l’échelon local d’une gestion crédible permettant l’accès, par exemple à l’emprunt, et le rendre ainsi apte à faire face aux défis du développement local.
La décentralisation peut, il est vrai, favoriser le clientélisme politique, générer des tensions entre l’État, au travers de ses services déconcentrés, et les élus locaux et leurs services. Les décentralisations sont récentes, les textes d’application souvent incomplets. L’État n’y est pas toujours franchement engagé. Les collectivités territoriales conscientes de leurs capacités embryonnaires, de la faiblesse de leurs ressources propres, ne sont pas toujours actives et cette insuffisance « politique » est un obstacle supplémentaire. Il faut cependant persévérer. La décentralisation est un processus long, complexe, qui a besoin d’un engagement double et sans réserve des responsables politiques nationaux et locaux. Le soutien des bailleurs devra lui aussi s’inscrire dans un agenda de longue durée.
Mais la décentralisation, en définitive, peut offrir au développement local un cadre approprié : dans un dépassement de l’espace de la communauté, pour une adhésion à une rationalité plus large et plus réellement collective, avec l’avènement d’un jeu d’acteurs qui participent à la construction et au partage des bénéfices mais aussi des risques de l’ensemble des biens publics de la collectivité. L’essentiel est que la dialectique entre les deux rencontre une réelle détermination de l’ensemble des forces qui dans un pays y concourent. Ce projet politique et social a besoin d’un partenariat externe stimulant, sans autre a priori qu’à en faire un des ressorts principaux de la mise en mouvement de sociétés plus équitables et inclusives de tout le potentiel de forces qu’elles recèlent, sur place, mais aussi à l’extérieur, ainsi qu’on le voit par exemple avec les transferts que les communautés migrantes sont prêtes à faire vers leurs régions d’origine …»- Cliquez ici 

La gouvernance décentralisée des ressources
«... De manière générale, la gouvernance décentralisée des ressources naturelles et de l’environnement est une problématique centrale dans les pays en développement (et ce quelle que soit la forme de coopération la soutenant). La décentralisation passe par le transfert de pouvoirs, de fonctions et de compétences de l’État à des instances locales et elle est souvent associée à l’accroissement de la démocratie locale. Elle est censée améliorer l’efficacité de la gestion des ressources naturelles grâce à la réduction de coûts de transaction et aux bénéfices perçus directement par les autorités et les populations locales. Elle est également censée favoriser l’appropriation des décisions locales par l’ensemble des acteurs et contribuer à la protection de l’environnement en orientant les comportements vers des pratiques plus durables.
Toutefois, plusieurs critiques émergent du constat actuel retiré de plusieurs expériences de décentralisation. Certains expliquent les écueils de la décentralisation par les dynamiques induites de «corruption décentralisée», renvoyant la décentralisation face à l’un de ces principaux objectifs : rendre transparente la gestion publique, considérée comme opaque et corrompue au niveau central. Ces dynamiques de corruption décentralisée renforceraient les phénomènes de courtage en développement et les stratégies de captage de rente.
Par ailleurs, force est de constater que la décentralisation a été souvent menée trop rapidement et de manière incomplète, laissant place à des formes hybrides plus proches de la déconcentration. Enfin, il convient de noter l’absence de réels transferts de pouvoirs, de mécanismes de responsabilité à l’égard de la population locale et le manque de ressources financières. Notamment, les politiques de décentralisation sont souvent «freinées» par des États, des politiciens soucieux de conserver leurs prérogatives, voire des organisations non gouvernementales de conservation dénonçant la lenteur avec laquelle les populations locales réduisent leurs pressions sur les ressources ...»- 

Portée et ambiguité de la coopération décentralisée dans le champ du développement durable
«... Malgré la diversité des formes de coopérations décentralisées (jumelages ; expertise, appui technique, assistance à maîtrise d’ouvrage ; formations ; fourniture de matériels ou d’ouvrages ; subventions ; coopération transfrontalière ou soutien au collectivités du Sud), celles-ci se fédèrent principalement autour du développement local, ce dernier comprenant (1) le développement économique animant les partenariats Nord/Sud ; (2) le développement urbain et rural ; (3) et le développement durable qui intègre les problématiques environnementales. En mettant plus particulièrement l’accent sur les champs principaux des partenariats Nord/Sud en matière de coopération décentralisée, ces derniers concernent : (1) l’appui institutionnel et l’appui à la décentralisation ; (2) le développement urbain ; (3) le développement rural ; (4) l’action sanitaire et sociale ; (5) la culture, l’éducation et la recherche. Notons également qu’un champ d’action non négligeable de la coopération décentralisée renvoie au tourisme responsable et solidaire. Il convient de noter que si le contenu des coopérations décentralisées est très divers, il concerne : soit un renforcement de capacités de gestion des services publics locaux dans l’ensemble des domaines de compétence des collectivités territoriales (appui institutionnel, assistance à maîtrise d’ouvrage, aide à la mise en place de services de base, formations, aménagement du territoire, gestion à la culture et au patrimoine, ingénierie de projets, intercommunalité). Soit, notamment depuis les cinq dernières années, des projets privilégiant des thématiques plus globales ayant trait au développement durable (développement territorial, tourisme responsable et solidaire, co-développement …).
Ainsi, l’évolution contemporaine des interventions de la coopération décentralisée devrait illustrer le passage d’une logique de développement conçu sous la forme de projets plus ou moins sectoriels correspondant à des besoins ponctuels des collectivités du Sud vers une véritable logique de développement durable local, conçu sous la forme de programmes multi-sectoriels ...
La coopération décentralisée dans les champs du développement en général et du développement durale en particulier n’en reste pas moins confrontée à plusieurs ambiguïtés.
Dans la mesure où la coopération décentralisée s’organise et se coordonne sous l’impulsion de différents acteurs (nationaux et internationaux), elle se retrouve dans une « logique de bureaucratisation (avec une multiplication des instances hiérarchisées) » et de relative dépendance vis-à-vis de l’État (ministères ou agences) ou des organismes multilatéraux (Union européenne, bailleurs de fonds internationaux). Si elle dispose de plus de moyens, ses capacités de conception et d’action autonomes ainsi que la souplesse souhaitée de son fonctionnement s’en trouvent réduites.
La coopération décentralisée fait aussi souvent appel à des sources financières extérieures de financement. Cet appel à l’intervention de différents partenaires financiers multiplie et alourdit les procédures et règles en matière de contrôle budgétaire et de gestion comptable des montages financiers ; de plus, il faut pouvoir faire état de résultats et justifier les actions, ainsi que les dépenses auprès des donateurs. Ces éléments viennent renforcer une logique de réalisations rapidement visibles de « projets bancables » inscrits dans une logique de court terme au détriment d’une logique de programmation de plus long terme. « La complexité des montages institutionnels et l’obligation de visibilité des résultats sont deux logiques qui peuvent se concilier (certes au prix d’une certaine lourdeur bureaucratique et du renchérissement des dépenses de fonctionnement au détriment des investissements…) mais qui sont assurément contradictoires avec les principales missions spécifiques attendues de la coopération décentralisée : appui à la gestion décentralisée des affaires publiques, renforcement des capacités locales du Sud, programmation d’un développement [durable] adapté aux conditions locales, toutes missions qui requièrent des actions de longue haleine, aux résultats peu tangibles à court terme et difficilement chiffrables en termes comptables ».
Ainsi, malgré l’évolution souhaitée de la coopération décentralisée vers des démarches plus globales, les actions réalisées dans la majorité des partenariats n’en restent pas moins marquées par une approche sectorielle. Celle-ci se traduit : (1) par une concentration des projets dans un petit nombre de secteurs (échanges socio-culturels, action sociale et jeunesse, santé, éducation et formation) ; (2) par un faible investissement dans plusieurs secteurs d’intervention (création ou développement d’activités économiques, hormis en faveur des femmes, l’aménagement urbain ou rural, la gestion des services d’intérêt collectif [eau, assainissement,…] alors que ces derniers sont mentionnés comme prioritaires par plusieurs acteurs [responsables des collectivités du Sud, organisations d’habitants, associations locales…]).
À l’issue de ce bilan, force est de constater que l’élaboration de politiques de développement durable et/ou l’élaboration de programmes sur un horizon de plus long terme relèverait actuellement pour l’essentiel des formes « classiques » de coopération. Il s’agit alors d’évaluer la portée et les limites des nouvelles formes d’intervention des politiques classiques de coopération, complémentaires à celles de la coopération décentralisée, dans les champs de l’appui à la décentralisation et de l’appui au développement durable, notamment au travers de la « gouvernance décentralisée des ressources naturelles ...»- Cliquez ici 


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Elaboré par: Lobna ZOUAOUI, Ingénieur Data, Responsable  Veille Stratégique et Technologique
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